Découvrir Laure Albin Guillot en 60 photos

Laure Albin Guillot (1879-1962) bénéficie sans doute, en ce XXIe siècle commençant, de l’intérêt renouvelé porté aux femmes artistes. Longtemps oubliée, elle est revenue sur le devant de la scène en 2013 à l’occasion d’une grande rétrospective proposée au Jeu de paume. Il était temps ! Le talent de cette photographe est immense, et la variété de son œuvre, extraordinaire. La galerie Roger-Viollet, douillettement nichée rue de Seine, à Paris, présente depuis le mois d’octobre une soixantaine de tirages qui offrent un aperçu des directions prises par Laure Albin Guillot au cours de sa carrière (1922-1954). Il est même possible d’acquérir des tirages de ces œuvres.

Microphotographie avec procédé autochrome. Vers 1929. © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet

Issue de la bourgeoisie parisienne, mariée très jeune à Albin Guillot (elle décidera, une fois devenue photographe professionnelle, d’accoler le prénom de son mari à son nom de famille), Laure est d’abord une musicienne talentueuse, comme son époux. Elle ne devient cependant pas concertiste, et demeure longtemps dans l’ombre de son mari. Lorsque la santé de ce dernier commence à se dégrader, à l’aube des années 1920, la quadragénaire doit subvenir aux besoins du couple. C’est alors qu’elle se lance dans une carrière de photographe professionnelle. Signant ses clichés de l’acronyme LAG, elle réalise des photos vendues à des revues de mode, des portraits mondains, et expérimente en parallèle les possibilités de l’outil photographique. Elle publie en 1931 Micrographie décorative, un recueil de clichés abstraits réalisés à partir de productions microscopiques (les recherches scientifiques de son mari ont été sur ce point une source d’inspiration) qui lui vaut d’être louée et médiatisée.

Laure Albin Guillot, qui a de l’entregent, fréquente et photographie les artistes de son temps (on voit ici des portraits de Louis Jouvet, Jean Cocteau, par exemple, ou encore les mains hypnotiques du peintre Han Harloff), publie dans les magazines et revues (haute couture, maquillage, parfums…), réalise des reportages, des décors, des illustrations (entre autres, pour des livres d’Henry de Montherlant ou Paul Valéry), expose dans les galeries d’art, notamment ses nus magnifiques, soigneusement construits et millimétrés, ou ses créations qui flirtent avec le surréalisme (comme Jeux d’ombres faits par une lame de rasoir, sans date). Sa production est impressionnante par sa variété et sa profusion. Célébrée, elle est la photographe des années 1930, et domine le secteur jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Sa production artistique se redouble d’une réflexion théorique sur les enjeux de l’image, tant photographique que cinématographique, sa production et sa réception, notamment ses usages publicitaires ou patrimoniaux et mémoriels. Laure Albin Guillot occupe des postes prestigieux (directrice des archives photographiques des Beaux-Arts, directrice de la Cinémathèque nationale) en parallèle de son activité libérale. Tout semble lui réussir.

Jeux d’ombres faits par une lame de rasoir. Vers 1930-1940. © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet

Dans l’après-guerre cependant, son inventivité semble s’amoindrir, et surtout son style ne correspond plus à ce qu’attendent le public et la critique. Sa notoriété décroît, les commandes également. Elle finit sa vie dans un relatif dénuement, oubliée de presque tous. Fable éternelle de la valse des goûts et de la mémoire courte…

Étude de nu féminin. France, 1941. © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet

Exposition à découvrir jusqu’au 21 janvier 2023, galerie Roger-Viollet, 6 rue de Seine, 75006 Paris. Les infos sont ICI.

Catalogue d’exposition : Laure Albin Guillot, l’élégance du regard, Paris, Roger-Viollet, 2022, 76 p. (bilingue français-anglais)

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